Deuil – répercussions psychologiques
Depuis qu’il/elle est parti(e)…
La nouvelle est tombée comme un couperet, vous laissant démuni(e) et avec pour seule pensée : « Ce n’est pas possible ». Pour vous, dont l’accident vous a arraché votre conjoint, votre parent, votre ami, votre frère, votre sœur, votre enfant, ces différents témoignages vous sont destinés. Pour vous, dont l’accident vous a enlevé le plus précieux, en vous laissant sans réponse. Pour vous dont l’esprit est maintenant peuplé de « Comment est-ce possible ? », « Ca n’a pas de sens », « Et si, j’avais fait ça… peut-être qu’il/elle serait toujours là », « Ce n’est pas juste, il/elle avait encore tant de choses à vivre », « Je ne comprends pas », « Je n’ai même pas pu lui dire au revoir ou je t’aime ». Pour vous, qui n’avez peut-être pas de mots pour exprimer cette perte. Peut-être certains témoignages feront-ils écho à votre propre vécu, vous réconforteront, vous permettront de trouver des premiers éléments de réponse dans ce brouillard sans nom.
La nouvelle vous a laissé un trou béant dans le cœur. Il est désormais difficilement possible de ressentir autre chose que la douleur qui vous envahit quotidiennement. Elle vous accompagne et paralyse peut-être toutes autres actions ou pensées. Le chagrin est tellement prenant que toute activité, même élémentaire telle qu’aller faire des courses, devient un poids énorme. Il vous est peut-être même impossible de penser, à part à cette personne qui vous manque déjà tellement et aux circonstances de l’accident.
Les larmes sont nécessaires, elles sont à vivre, aussi douloureuses soient-elles, elles sont aussi libératrices. Pleurer votre conjoint, votre ami, votre parent, votre enfant est un droit, et personne ne peut vous l’enlever. Octroyez-vous ce droit, ne vous sentez pas faible ni honteux. Ce que vous vivez est la pire chose que vous puissiez imaginer.
Tout ce qui compose votre horizon est un océan de douleur, qui parait bien infranchissable. L’absence vous paralyse, il vous semble impossible pour le moment de faire un pas de plus, de mener votre vie comme si de rien n’était. Faire les courses, préparer à manger, s’occuper de la maison, voir des amis, regarder la télévision sont des activités qui vous paraissent désormais bien trop pesantes ou inutiles. Comment trouver la force d’avancer ? Pourquoi continuer s’il/si elle n’est plus là ? A quoi cela sert-il au final ?
Vous venez de perdre la ou l’une des personnes qui était centrale à votre bonheur, il est normal face à cette perte imprévisible et injuste de tout remettre en question. Comment envisager à nouveau être heureux/se sans ce pilier qu’il/elle était ? Les perspectives d’avenir vous semblent anéanties, ce qui participe à votre sentiment de ne plus pouvoir avancer…
Le poids que vous ressentez et qui vous écrase le cœur, grâce au soutien reçu et aux aides extérieures, se fera petit à petit plus léger, vous permettant d’avancer un peu chaque jour. Cela ne voudra toutefois pas dire que vous oubliez votre être cher, c’est impossible. Si le poids et la douleur, l’angoisse et le chagrin qu’elles engendrent, continuent à vous paralyser malgré le temps passé ou si vous avez des idées noires, ne restez pas seul(e) et contactez un professionnel.
En le/la perdant, vous avez l’impression d’avoir perdu une partie de vous-même, vos racines, votre pilier… Celui/celle qui vous accompagnait au quotidien, celui/celle qui était votre rayon de soleil, celui/celle qui était votre monde, votre confident n’est plus et depuis tout est vide. Depuis son départ, c’est un sentiment de solitude qui s’est installé même si vous êtes entouré(e). Votre entourage essaie de vous apporter du soutien, de vous faire sourire mais ce sentiment d’être seul(e) reste. Vous avez peut-être l’impression que vos proches ne prennent pas la mesure de votre douleur et de votre chagrin, et peut-être que vous ne préférez plus leur en parler. Par conséquent, vous vous isolez d’autant plus, consciemment ou non.
Il/elle n’est plus là physiquement à vos côtés, mais les souvenirs et sa mémoire resteront toujours avec vous. Ils ne remplaceront évidemment pas la personne que vous avez perdue, mais ils permettent de le/la garder toujours un peu près de vous. Douloureux dans un premier temps, ils peuvent devenir des bulles de réconfort dans lesquelles vous vous retrouverez à sourire.
Depuis l’annonce, les questions se répètent dans votre esprit et pourtant elles restent sans réponse : « Pourquoi lui/elle ? », « Comment ça a pu se produire ? », « Qu’a-t-il/elle fait pour mériter ça ? », etc. Ces interrogations vous amènent peut-être à revoir complètement votre vision de vous-même, du monde et d’autrui. Tout ce à quoi vous croyiez avant n’est plus : les autres ne sont pas forcément bienveillants, on ne mérite pas ce qu’il nous arrive, il n’y a pas de justice, etc… Vous avez peut-être le sentiment d’avoir perdu la foi…
Emotionnellement, vous vous sentez peut-être submergé(e) et vous passez d’un état à l’autre, sans forcément saisir le lien. De la colère au chagrin en passant par l’incrédulité, difficile de ne pas se sentir bousculé(e) et perdu(e) dans cette montagne russe.
La personne assumait peut-être des tâches et/ou des rôles que vous devez maintenant prendre à votre charge également. Votre conjoint(e) s’occupait peut-être toujours des factures et des assurances de votre ménage. Depuis qu’il/elle n’est plus là, vous êtes seul(e) à vous occuper des enfants et désormais c’est à vous qu’il incombe de tout réaliser chaque jour. Peut-être avez-vous aussi ce sentiment de devoir jouer le rôle de père et de mère à la fois auprès de vos enfants… Il est difficile de tout mener de front. Ne vous empêchez pas de demander de l’aide à votre entourage concernant ces nouvelles tâches à assumer.
Avec lui/elle, ce sont également des projets communs qui se sont envolés. C’est peut-être avec ce sentiment d’être perdu(e) sans lui/elle que vous avancez, comment même penser à réaliser ces projets sans lui/elle ou à en faire de nouveaux ?
Ce sont tout autant des repères qui se sont effondrés depuis sa disparition, mais peut-être certains sont-ils encore présents ou que d’autres vont s’ériger, de nouveaux projets apparaitront, à votre plus grand étonnement …
L’accident est injuste, il frappe de plein fouet et c’est une colère assourdissante contre vous, contre lui et contre le conducteur adverse, contre le monde qui résonne dans votre cœur et votre tête. Pourquoi a-t-il fallu que la vie vous enlève votre conjoint, votre enfant, votre parent, votre ami(e)? Il/elle n’avait rien fait pour le mériter ! Pourquoi a-t-il/elle pris ce risque ? Pourquoi l’ai-je laissé(e) faire ? Pourquoi cet autre conducteur a-t-il conduit de la sorte ?
Ce n’est pas juste et c’est peut-être un profond sentiment de dégout envers la vie qui vous étreint maintenant. Vous avez perdu foi en la justice, désormais devenue désuète et illogique à vos yeux suite au jugement ou aux procédures que l’accident implique. De toute façon, qu’est-ce qui pourrait vous le/la rendre ou être égal à la valeur qu’il/elle avait à vos yeux ?
Suite à l’accident, vous ne vous sentez peut-être pas reconnu(e) par la/sa famille ou par la justice de par votre statut. Vous étiez la/le compagne/compagnon depuis peu de temps, vous n’étiez pas mariés ni cohabitants légaux, vous étiez la belle-mère/le beau-père de cet enfant, et cela vous laisse peut-être peu de place aux yeux de la société, ce qui vous laisse avec votre amertume. Vous avez pourtant toute la légitimité de la douleur et du chagrin, vous n’étiez pas « juste » cette personne, vous étiez la personne qui l’accompagnait au quotidien.
Vous êtes peut-être en colère ou gêné du rôle que votre proche a joué dans l’accident. Il a peut-être participé à sa survenue en ayant un comportement inadapté (excès de vitesse, conduite dangereuse, alcoolémie, drogue, téléphone, etc.) et a risqué également la vie d’autres personnes. Vous pensez peut-être qu’il a participé à sa propre perte. Il/elle n’a jamais voulu risquer sa vie ni celle d’une autre personne bien que le comportement de départ soit intentionnel, la conséquence, elle, ne l’était pas.
Qu’importe la source de votre colère, la première étape est de ne pas la nier. Cette colère n’est-elle pas le résultat de votre chagrin ? Si elle est présente, c’est qu’elle se révèle nécessaire… Tant qu’elle ne devient pas envahissante. Exprimez-la mais le mieux est de la formuler en « Je » (« Je suis révolté(e) parce que je me sens seul(e) ») plutôt qu’en propos qui peuvent être blessants pour vos proches qui se tiendront alors à distance. La limite de l’expression de cette colère est le respect de l’autre, si vous sentez que vous ne la contrôlez plus, c’est un indice qu’il est temps d’en faire quelque chose.
Depuis ce jour, un trou béant s’est peut-être creusé, vous engloutissant au passage. Depuis, vous n’avez plus l’impression d’appartenir à la même planète. La planète où vous vous trouvez en ce moment est dépeuplée car l’être qui vous est cher n’y est plus. Les autres continuent leur vie, ils travaillent, ils rient, ils vont dans les restaurants… Les rires des enfants résonnent dans la rue et les parcs, alors que le sien ne fait plus partie des sons de ce monde. Le monde continue de tourner sans lui/elle, vous y restez en marge.
Dans ce monde, vous constatez désormais des réactions et des comportements qui renforcent votre sentiment. Voir les uns en famille quand vous ne pouvez plus en profiter ou entendre les autres se plaindre de leurs proches sans même mesurer leurs chances de les avoir près d’eux vous rend peut-être amer.
Tout le monde continue son chemin mais vous n’arrivez peut-être plus à vous sentir en sécurité, vous avez perdu confiance en la bienveillance des autres ou vous avez l’impression qu’un nouveau drame peut se produire à tout moment, et que vous n’avez plus aucun contrôle sur ce qu’il peut se passer. Vous avez peut-être l’impression de perdre la tête, de vous sentir engourdi(e) depuis l’accident, d’être comme spectateur/spectatrice de votre vie…Comment réintégrer ce monde sans faux-semblant ?
Comme si elle/il allait revenir un jour, vous continuez de repasser ses affaires, de mettre la table avec son couvert, de ranger sa chambre, de guetter son arrivée à la maison à l’heure habituelle où il/elle rentrait, etc… Vous le savez consciemment qu’il/elle ne reviendra pas mais quelque chose vous souffle que c’est impossible, qu’il/elle n’a pas pu partir comme ça, du jour au lendemain sans pouvoir vous dire au revoir, avec des projets en suspens. L’absence est tellement douloureuse qu’elle en devient irréelle.
L’attente, oui, mais l’attente de quoi d’autre ? Vous êtes peut-être dans l’attente qu’enfin quelque chose vous fasse revivre car depuis l’accident, la vie n’a plus d’intérêt, tout a perdu de sa saveur. Cependant, l’intérêt ne réapparait pas de lui-même, il faut le stimuler… Vous avez déjà traversé des épreuves, jamais comme celle-ci et bien que vous vous sentiez incapable de continuer, vous le pouvez et petit à petit, la vie reprendra de ses couleurs. Et qui sait un jour, vous serez étonné(e) du chemin parcouru…
Tout faire, tout penser, tout donner… Pourvu que cette personne tant aimée vous revienne. Cela n’est pas possible, elle/il doit être encore là. Vous cherchez des signes pouvant vous confirmer sa présence, vous avez même parfois l’impression de ressentir celle-ci. Toutefois, de crainte que l’on ne vous juge, vous gardez ce sentiment pour vous. Or, il n’y a rien d’anormal là-dedans et beaucoup d’autres personnes en ont témoigné, qu’importe les croyances de chacun.
Pour continuer à le/la sentir près de vous, vous gardez ses vêtements que vous portez peut-être, sa chambre est intacte, vous sentez son parfum, etc. Vous vous plongez longuement dans les souvenirs, sources de réconfort pendant un temps. Et puis, être en contact avec ses objets ou émerger de ces souvenirs devient plus que douloureux et c’est peut-être l’indicateur qu’ils ne sont plus tant cette source d’apaisement…
Parfois le désir d’être en contact est si intense qu’il vous arrive d’emprunter ses comportements : fumer, conduire trop vite, un tic qu’il/elle avait, etc. La frontière devient fine et vous avez l’impression de ressentir ce qu’il/elle a ressenti, dans une sorte de communion. Mais est-ce que cette personne aurait voulu que vous fassiez des choses qui ne vous correspondent pas et vous laissent vide ?
Vous vous perdez peut-être dans cette recherche au point où vous risquez de manquer des instants précieux avec votre entourage. La recherche est, au final, « inutile », puisqu’il/elle est sera toujours là tant que vous continuerez à l’aimer.
Vous vous sentez honteux(se) quant à la façon dont vous avez réagi lors de l’annonce. Peut-être êtes-vous resté(e) sans réaction, complètement figé(e) sans pleurer, sans pouvoir dire un mot. Ou au contraire, vous avez éclaté dans une colère noire en insultant les policiers/les intervenants. La honte vous vient car vous avez l’impression que votre réaction était déplacée ou qu’elle n’exprimait pas la douleur de votre perte : « Je n’ai même pas pleuré ! ». Il n’y a pourtant aucune bonne réaction, elles sont toutes synonymes du choc de l’annonce. Les intervenants le savent, et sont conscients que le fait de rester figé exprime tout aussi bien votre douleur.
Pleurer lors d’une conversation, pleurer chez des amis, pleurer en rue ou dans le bus ne devrait être aucunement une source de honte. Vos amis, vos proches le comprennent et c’est ce qui importe. N’oubliez pas que la honte découle souvent du regard que nous pensons que les autres ont sur nous, et non pas du réel regard qu’ils portent.
Tout votre être a été douleur insoutenable, et les émotions beaucoup trop intenses pour que vous puissiez les assimiler, c’est comme si désormais vous étiez vide. Vide d’émotions, et même de sensations, comme si vous aviez déserté.
Vous vous êtes peut-être plongé(e) dans le travail, dans des tâches très actives qui ne vous laissaient pas l’opportunité de penser. D’autant plus que l’annonce a été marquée de toutes les démarches funéraires et juridiques. Cette hyperactivité qui était au début volontaire a fini par devenir involontaire et celle-ci vous a permis de ne pas vous laisser envahir par ces émotions qui, par habitude, n’émergent plus.
La crainte de laisser venir et de ne pas pouvoir contrôler le tsunami d’émotions s’est installée. Et si vous laissez aller à ces émotions vous faisait perdre la tête ? Par la force des choses, dans cet « encapsulement » volontaire ou involontaire, vous ne vous retrouvez plus et vous avez peut-être l’impression que quelque chose ne va pas. Ce fonctionnement ne peut être que temporaire, vous le savez. Ignorer la douleur ne la fera pas partir, au contraire. D’autant qu’en plus d’ignorer celle-ci vous vous soustrayez à la possibilité de ressentir d’autres émotions positives comme la joie, même éphémères. Parce que vous avez le droit de sourire, de rire, de trouver, ne serait-ce qu’un court instant, que la vie vaut encore la peine d’être vécue.
Laisser libre cours à votre tristesse, aussi retentissante soit-elle, ne signifie pas que cela en deviendra une dépression voire une nouvelle façon de vivre. Pleurer peut-être source de bien-être et de relâchement. Personne ne vous demande d’être fort(e) et courageux(se) à part vous-même. Être fort(e), n’est-ce pas aussi pouvoir ressentir les choses ? S’il est trop difficile d’en parler ouvertement, vous pouvez trouver un moyen créatif et alternatif d’exprimer vos émotions. Renouer avec soi-même peut demander aussi une aide extérieure…
Depuis l’annonce, vous vous posez des questions quant aux circonstances de l’accident et/ou sur les derniers moments de votre proche. Les informations sont peut-être lacunaires, mais cela ne vous empêche pas de les combler en imaginant des scénarii divers, tous aussi douloureux les uns que les autres. Vous avez peut-être vu votre proche pour le dernier hommage et depuis, les images ne vous quittent plus non plus.
L’accident a peut-être été médiatisé, divers articles de presse partagés par les réseaux sociaux qui relaient des informations différentes. Qui croire ? Tout ceci vous donne l’impression d’être face à des pièces de puzzle qui ne s’emboitent pas mais que vous devez absolument assembler. C’est plus fort que vous… Cette médiatisation est parfois vraiment douloureuse, elle vous remet face aux images de l’accident que vous essayez en vain d’éloigner de votre pensée.
Il est humain de vouloir reconstituer ce que l’on ne comprend pas, ce qui n’a pas de logique. Toutefois, si ces images et ces scénari prennent trop de place, qu’ils vous envahissent la nuit, qu’ils vous empêchent de vivre, c’est peut-être le signe que vous avez besoin d’aide.
Les repères s’effondrent, la peur de vivre sans lui/elle, voire la panique face à son absence prend le dessus. Vous avez peut-être des pensées et des interprétations qui participent à votre désarroi : « Je ne serai plus jamais aimé(e) », « Je n’ai pas été assez bonne mère/bon père », « Je suis incapable de traverser ça… ». Comment vous rassurer sans sa présence ?
L’anxiété peut également venir du devoir que vous vous imposez : honorer sa mémoire, et ce par le fait de mener à bien les procédures judiciaires ; être le meilleur parent possible pour votre enfant qui n’a plus qu’un seul parent, etc. Quel poids pour deux épaules !
Toutes ces nouvelles tâches à assumer depuis qu’il/elle est parti(e) vous inquiètent. Vous avez l’impression de ne pas en être capable. Vous en êtes capable, personne ne vous demande d’être parfait et d’assumer tout à la fois. Petit à petit, vous y arriverez et dans un premier temps vous pouvez demander de l’aide à votre entourage.
L’anxiété est normale dans un premier temps, néanmoins si celle-ci devient paralysante au point de se répéter en crises de panique, plusieurs méthodes peuvent vous aider à mieux la gérer.
Lors de l’annonce, l’horloge a cessé de tourner… Le temps est peut-être passé, 3, 6, 9 mois voire bien plus mais vous avez toujours l’impression d’être à ce jour où tout s’est effondré. Les saisons passent, et c’est comme si rien n’avait bougé, tout comme votre deuil. Vous avez l’impression de regarder de loin ce début de chemin mais vous n’arrivez pas à l’emprunter. Comme si vous attendiez… Oui mais quoi ?
Bien sûr, vous avez conscience que les jours, les mois, les années se sont écoulés mais vous avez enclenché une sorte de pilote automatique et/ou vous avez l’impression de ne jamais être sorti(e) de votre torpeur. Ce n’est jamais facile de sortir seul(e) de ce brouillard épais…
Peut-être qu’autre chose est resté figé depuis sa disparition : sa chambre, la maison, la garde-robe remplie de ses vêtements. Au bout d’un moment, voir ses objets ne vous réconforte plus mais devient source de mal-être et ne font que vous rappeler l’absence. Retenez-vous l’être aimé en dépit de la réalité ? Peut-être, est-ce un signe qu’il faut permettre maintenant au temps de s’écouler et aux choses de changer, de prendre un autre chemin, et de le laisser partir. Car ce ne sont que ses affaires physiques qui partent, non sa mémoire. L’amour qu’il vous a porté et l’amour que vous lui portez n’est pas relié à ses objets.
Coupable d’avoir réagi d’une telle manière lors de l’accident (ne pas avoir pu l’aider, ne pas avoir pu le/la réanimer, de l’avoir laissé prendre la moto, etc.), coupable d’être en vie et pas lui/elle, coupable de s’être disputés avant l’accident, coupable de ne pas assez bien honorer sa mémoire… Les raisons de vous sentir coupable sont tellement nombreuses et tellement accablantes. Plus vous regardez en arrière, et plus vous trouvez de sources de culpabilité.
Lors de l’accident ou de l’annonce, vous étiez dans un tout autre état émotionnel. Il est facile d’envisager toutes les pistes/réactions possibles lorsque vous avez tout le temps devant vous, mais c’est surtout oublier que la situation ne vous laisse pas le temps de réfléchir et qu’elle vous a projeté à 1000 lieues de vous-même. La culpabilité arrive alors sur votre conscience, de tout son poids, portée par les interprétations erronées que nous faisons trop souvent : « C’est de ma faute, c’est parce que j’ai dit ceci », « je n’aurais pas dû le laisser repartir dans cet état », etc. Vous vous jugez, et vous accablez d’une responsabilité démesurée, comme si tout avait été sous votre contrôle… Une part de vous le sait, cette culpabilité est irrationnelle.
Et puis arrive peut-être la culpabilité de ne pas avoir assez profité, de ne pas avoir assez montré ou aimé… Nous pouvons toujours faire mieux mais quel est le critère pour savoir si vous avez assez aimé ou profité ? De même, quelle est cette norme qui vous dicte de pleurer indéfiniment sinon « ce n’est pas assez » ? Pleurer est une façon de vivre la perte, mais elle n’est pas la seule et l’unique.
Et quand enfin, vous sentez cette volonté d’avancer, la culpabilité resurgit. Avancer ne veut pas dire oublier ni être déloyal(e), cela veut dire que vous lui avez trouvé sa place, il/elle est une partie de vous qui vous accompagne au quotidien.
Dans tous les cas, la culpabilité est normale, elle signe votre humanité et votre remise en question, mais elle ne doit pas devenir un boulet ou une façon de vous punir…
La douleur n’est pas censée devenir une façon de vivre ni une identité. La souffrance à l’extrême n’est pas nécessaire, et vous pouvez vous en sortir. Bien sûr, il est tout à fait normal que même après un an, sa disparition soit plus que douloureuse. Tout comme il est normal d’avoir l’impression de montagnes russes par période notamment lors des dates anniversaires, et de vous sentir régresser après une période d’accalmie. Toutefois, certains signes peuvent être des indicateurs que votre deuil se complique.
- Des pensées intrusives induites ou non par quelque chose qui vous rappelle l’accident ou la personne, des images et des cauchemars au sujet de l’accident et de votre proche. Ceux-ci peuvent même amener à des crises d’angoisse importantes, vous vous sentez assailli(e) ;
- Le temps passe et pourtant vous refusez de croire en sa disparition, il/elle doit être en vie quelque part ;
- Un évitement de tout ce qui vous rappelle l’accident ou la personne (la route, une odeur, une pièce, etc.) qui finit par devenir un mode de vie (éviter des personnes, des invitations, la voiture, etc.) ;
- Un sentiment d’insécurité qui ne disparait pas, un état d’alerte permanent ;
- Une amertume, une irritation au quotidien, une agressivité ou encore une colère qui demeure et qui se répercute sur votre entourage ;
- Un sentiment de vide et d’être vide, l’impression que la vie n’a plus de sens;
- Une envie grandissante de le/la rejoindre…
Bien qu’éviter ce qui rappelle l’accident à la mémoire procure un soulagement temporaire, les pensées et les images finissent toujours par arriver et vous êtes épuisé(e) de cet état de vigilance récurrent. Le cercle vicieux s’engage et les signes que nous venons de citer (et d’autres qui ne sont peut-être pas évoqués) vous donnent l’impression de devenir fou/folle ou de perdre la tête. Vous ne l’êtes pas, vous réagissez seulement à la perte brutale et insensée… Vous pouvez confier ces signes à des professionnels qui vous aideront.
Votre entourage vous donne l’impression de ne pas saisir la mesure de votre douleur et avec le temps, peut-être vous dit-il qu’il faut avancer et accepter. Mais comment accepter l’inacceptable ?
Vos proches ne savent pas quoi dire, quoi faire pour vous aider, vous soulager. Ils sont peut-être malaisés, se sentent impuissants et perdent leurs moyens. Ce malaise, vous l’avez peut-être senti et pour ne pas y être confronté, vous avez fini par instaurer un « ça va » ou un « je vais bien » de façade avec un visage neutre voire vous vous isolez. Le sentiment d’être incompris(e) et seul(e) ne fait que se renforcer.
Votre famille et vos amis sont bienveillants, ils ont peut-être besoin d’un coup de pouce pour vous soutenir au mieux. Le « ça va » de façade leur fait peut-être dire que vous ne voulez pas en parler, tout comme votre isolement qui signifie à leurs yeux « J’ai besoin d’être seul(e) ». Montrez vos réels sentiments et états d’âmes, cela les aidera à comprendre et cela vous aidera également. Les émotions expriment parfois bien plus que les mots qui manquent face à votre douleur. Dans un endroit calme, à un moment où vous ne serez pas dérangés, essayez de mettre des mots sur ce que vous attendez d’eux : « J’ai peur de la voiture depuis l’accident », « J’aimerais que tu puisses venir de toi-même vers moi quand tu constates que je m’isole », « Surtout continue à parler de lui/d’elle, d’évoquer des souvenirs », etc.
Parfois, il y a des pensées et des émotions que nous n’osons pas livrer à nos proches par crainte de jugements notamment. Mais cela continue de peser et nous avons besoin d’avoir un espace pour les dire. Cet espace peut être chez un professionnel ou dans un groupe de parole par exemple.
Votre sentiment de sécurité est ébranlé depuis le jour de l’annonce, vous avez pris conscience de la versatilité de la vie : « Tout peut arriver ». Vous pouvez même avoir le sentiment qu’un nouveau drame se prépare. Et quel terrain vous semble le plus propice à ce genre d’événement que l’objet-même de la perte de votre proche ?
La voiture/la moto est associée au pire moment de votre vie. Être au volant ou passager/passagère vous fait penser au jour de l’annonce ou à la façon dont votre proche vous a quitté(e). Vous avez peut-être même senti monter une vague d’angoisse à bord du véhicule. Depuis impossible d’y remonter, ou du moins vous n’avez plus essayé, de crainte de sentir à nouveau cette détresse. Vous évitez et contournez un maximum ce moyen de transport, au point où cela vous handicape au quotidien et en devient un cercle vicieux : plus vous évitez et moins vous vous sentez capable de reprendre un jour place à bord.
Allez-y progressivement si vous souhaitez casser ce cercle. Rien ne vous oblige à reprendre le volant directement, ni à le faire seul(e). Par exemple : asseyez-vous en place passager dans une voiture moteur coupé pendant 10 minutes avec une personne de confiance. Ensuite, faites la même chose dans une voiture moteur allumé, mais à l’arrêt. Quand vous vous sentez prêt(e), envisagez un court trajet en tant que passager/passagère avec cette personne au volant, etc. Rien ne sert de vous brusquer, habituez-vous à votre rythme, ré-apprivoisez le véhicule… Des professionnels peuvent aussi vous aider à comprendre votre peur.
Vos enfants ont été touchés de près ou de loin par le décès de votre proche. Peut-être est-il difficile pour vous de trouver les mots pour en parler avec eux, c’est normal et cela montre votre volonté de bien faire. Le plus simple est de leur poser la question pour constater comment ils comprennent le départ de cette personne, dites-leur qu’ils peuvent en parler quand ils le veulent. N’ayez pas honte de parler de vos émotions à vos enfants, ça légitime à leurs yeux de les ressentir et d’en parler…
Les enfants envisagent la mort différemment en fonction de leur âge. Avant 5 ans, l’enfant pense que la mort est réversible et qu’il reverra la personne. Par la suite, il comprend peu à peu que la mort n’est pas temporaire, qu’elle finit par emporter chacun de nous. C’est vers 8 ans que l’enfant assimile définitivement ce qu’implique le décès de quelqu’un. De préférence, soyez honnête avec vos enfants et utilisez des mots simples : la personne n’est pas partie en voyage, elle ne reviendra pas mais vous êtes là pour eux.
Tout comme vous, les enfants peuvent passer par divers sentiments : chagrin, déni, colère, injustice, culpabilité, incompréhension, sentiment d’abandon, voire « indifférence »… Il n’est pas facile pour vous de les voir dans ces états, mais qui mieux que vous pourrait comprendre ce qu’ils traversent ? Restez toutefois attentifs à certains signes comme des cauchemars, insomnies, une grande anxiété, une agitation, des maux physiques récurrents (ex : maux de ventre), un décrochage scolaire, une apathie, etc. Si ceux-ci perdurent, votre enfant a peut-être besoin d’une aide extérieure. Cela ne signifie aucunement que vous ne lui fournissez pas ce dont il a besoin, au contraire, vous l’aider en faisant appel à un professionnel par exemple.
Qui peut m’aider ?
Cette injonction est le signe que vos proches s’inquiètent de votre bien-être, qu’ils aient constaté ou non un mal-être chez vous. Ils se veulent bienveillants et veulent vous aider par tous les moyens.
Aller voir un psychologue après l’accident n’est aucunement une obligation. La seule recommandation est d’être attentif(ve) à ce que vous vivez. Que ce soit dans les jours qui suivent l’accident ou des années plus tard, il n’est jamais trop tôt ni trop tard pour consulter un psychologue tant que vous en ressentez le besoin et que la décision relève de vous-même. Si vous sentez une pression d’aller consulter de la part de vos proches, ouvrez la discussion avec eux. Pourquoi insistent-ils ? Ont-ils, eux, remarqué quelque chose qui les inquiètent ? Echanger ensemble vous permettra de comprendre leurs inquiétudes mais aussi de pouvoir les rassurer.
Le psychologue et la consultation individuelle ne sont d’ailleurs pas les seules options. Il existe également des groupes de parole pour personnes endeuillées, pour personnes vivant avec des douleurs chroniques ou encore pour parler du choc qu’a pu représenter l’accident pour vous.
Vous avez le droit de faire une brèche dans cette douleur, de demander à être aidé(e) pour respirer de nouveau. Et ce, qu’importe le temps écoulé depuis l’accident, il n’y a aucune norme quand il s’agit de la perte d’un être cher. En déposant ce que vous ressentez, en confiant votre peur de la voiture/moto, vos cauchemars répétés, votre envie de le/la rejoindre, vous allez apercevoir un instant, au début infime, de légèreté. Vous avez droit à une bulle d’oxygène, c’est le deuil de votre proche aimé et non de votre vie qui se joue…
Vous avez le droit de vous octroyer des moments où vous vous sentez bien, apaisé(e). Vous pouvez réaliser des activités que vous aimez, qui l’espace d’un instant vous coupent de ces pensées. Au début, peut-être que vous aurez du mal à vous accorder ces moments parce que vous n’avez plus cette volonté, cette énergie. Un pas après l’autre, en toute bienveillance envers vous-même, l’envie réapparaitra puisque vous l’aurez stimulée.
Peut-être que le plus compliqué est de faire le premier pas pour chercher et demander de l’aide. Les psychologues de notre département vous écoutent et vous offrent un premier espace, mais ils peuvent aussi vous accompagner dans la recherche de psychothérapeutes adaptés à vos besoins. Il existe également des groupes de parole et des associations qui seront un véritable soutien dans cette épreuve.
Quelques pistes…
- https://www.lepsychologue.be/accueil/: Site rassemblant des psychologues par région avec une présentation de leur spécialisation.
- L’association PEVR (Parents d’enfants victimes de la route) : https://www.pevr.be/
L’association organise également des groupes de parole pour parents endeuillés. - L’Espace PAD (Parole et Accompagnement du Deuil) organise des groupes de parole pour adultes et enfants vivant un deuil : https://espacespad.be/
- Mediante est un service de médiation réparatrice entre victimes et auteurs : http://www.mediante.be/
- Les SSM (Services de santé mentale) de votre région : http://www.cresam.be/adresses-2/
- Les SAV (Service gratuit d’aide aux victimes) ou SASJ (Service gratuit d’aide social aux justiciables) de votre région : http://www.victimes.cfwb.be/ou-trouver-aide/services-aide-victimes/
Cette liste n’est évidemment pas exhaustive, et il existe bien d’autres pistes.
Vous y retrouvez parmi toutes les spécialisations psychologiques n’est pas toujours facile, si vous avez des questions, si vous ne trouvez pas l’aide que vous souhaitez dans cette liste, n’hésitez pas à nous contacter.